VICKY
« Il me demandait tous les jeudis quand est-ce que je pouvais venir travailler. Un jour, je n’ai plus répondu. » Vicky
Vicky c’est mon alter égo, ma créature nocturne, mon effeuilleuse, celle qui n’a pas froid aux yeux et se prononce sans filtres. C’est une danseuse de « boîte », en ritournelle, une femme qui dénonce sa propre condition.
La nécessité, le besoin témoignent souvent de notre capacité à entreprendre certaines choses dans la vie. J’avais besoin d’argent, de contrats, j’étais déjà passée par le cabaret et d’autres performances divertissantes, j’ai donc passé la porte du Pink Paradise à Paris. Je me souviens encore de cette audition, la plus courte jamais vécue, et de la première soirée de travail qui s’en est suivie. Je me souviens de ma respiration lors de ma première prestation. Cet homme-là était gentil…
Il faut une grande rigueur pour faire ce métier et tout autre métier appartenant au domaine du sexe d’ailleurs ; Il faut bien dormir, continuer à vivre un minimum le jour, faire du sport, ne pas boire trop d’alcool, et je ne parle même pas des drogues. Je tentais de maintenir ce savant équilibre entre vie diurne et vie nocturne. Je jonglais entre mes activités de danseuse contemporaine, de pédagogue et cette nouvelle casquette de strip-teaseuse. J’y suis parvenue quelques temps, puis cela m’a consumée, lentement, à petit feu.
Je ne supportais tout simplement plus les conditions de travail, la vie nocturne des nuits de 7h imposées, le harcèlement de mes employeurs puis de certains clients misogynes, « sauveurs », parfois violents, les changements de Dress code imposé à l’improviste, ce qui nous valait d’acheter de la lingerie directement sur les lieux et commencer le travail en déficit.
Car oui, la strip-teaseuse a rarement un salaire fixe, elle part de zéro et doit faire son chiffre elle-même. J’ai néanmoins rencontré des femmes extraordinaires qui m’ont inspirée dans le pire comme le meilleur.
J’ai voulu donner du sens à cette expérience qui est gravée en moi, que mon intimité n’oubliera jamais, et j’ai créé la performance de « Vicky ». Je l’ai souhaitée sensuelle et grotesque. Elle parle avec un vocabulaire de danse contemporaine dans une forme burlesque décomplexée. Elle se joue de ses expériences et décline une narration émotionnelle tout en paradoxes.
Cette performance est une satire, un empouvoirement sur mon vécu de TDS paradoxalement riche et douloureux.
Lorsque nous faisons un métier comme celui-ci, j’ai constaté qu’il était important d’avoir plusieurs peaux, plusieurs costumes. Lorsque je rentrais chez moi, j’enlevais symboliquement la peau de mon personnage Vicky pour redevenir Agathe.
Vicky m’a beaucoup appris sur moi, sur ma vie privée, sur mes valeurs, sans elle je serais encore perdue.
ÉQUIPE ARTISTIQUE
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Concept & interprétation : Agathe Thevenot
Musique : Veence Hanao et « Love to love you baby » de Donna Summer