ZOUAVE
Note d’intention
Au point de départ, une résonance. Celle entre les réflexions que la trentenaire que je suis nourris autour du thème de la résilience, et une oeuvre majeure : « La Chute » d’Albert Camus. Dans ce livre, le personnage de Camus, Clamence, assiste à la chute d’une jeune femme et ne lui prête aucune assistance alors qu’elle est sur le point de se noyer sous un pont parisien. Cette chute, physique, en entraîne alors une autre : celle, morale, de ce jeune avocat à qui tout réussissait jusqu’alors. Un point de non-retour est atteint : il ne peut plus fuir la prise de conscience de son comportement, processus qui convoquera ça et là les souvenirs parfois insoutenables de l’un ou l’autre événement de son passé.
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À l’instar de Clamence, certains aspects de ma récente condition m’ont fait atteindre ce point de non-retour : celui à partir duquel le regard qu’on porte sur son histoire se fait irréversiblement, sans détour, non sans difficultés, et participe alors activement à la construction d’un soi plus conscient et progressivement plus libre. Un regard et une démarche qui peuvent également se transformer en miroir pour l’autre, qui à son tour prend conscience de ses comportements pour accéder à une forme de « liberté ».
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En cours d’écriture, « Zouave » est un récit de l’intime, résolument autobiographique. Entre rupture familiale, déracinement, agression, relations toxiques, et violence d’un monde et de milieux pensés par et pour les hommes, j’y aborde tant le thème de mes chutes que celui des stratégies mises en place pour m’en relever ; tant celui de l’ombre que celui de la lumière ; celui de mes échecs, de mes victoires, et du vertige qu’induit ce nouveau regard ainsi que la prise de conscience qu’il engendre.
Chargé car évoquant épreuves et traumas mais lumineux car tourné vers la dimension résilience, « Zouave » cherche ces espaces de légèreté, ces fulgurances, ces moments où les diverses stratégies conscientes ou inconscientes et l’agilité émotionnelle l’emportent sur les événements qui tentent de nous mettre à terre. L’imaginaire et le mouvement pour ne pas stagner dans le marécage émotionnel. Des mécanismes de survie pour traverser ces troubles et en sortir plus grand. Rebondir. Observer et comprendre ses systèmes pour en découvrir de nouveaux. Une sorte de négociation vitale entre le haut et le bas.
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« Zouave » ? La guerre. Le masque du pitre. Mener la première et porter le second. C’est dans cette ambivalente alternance que je me suis construite. Les « zouaves » étaient avant tout des soldats. Singuliers de par leur uniforme, ces soldats faisaient preuve d’une discipline extrême, parfois caricaturale, ce qui leur vaudra d’être la cible de moqueries et l’étymologie d’une expression peu valorisante. Faire le zouave. Faire l’idiot. On parle d’un soldat également au service du soi, qui se joue des résistances de l’existence, qui s’amuse du vivant, qui valse avec l’inconnu, et qui réveille son enfant intérieur pour se permettre de rêver et de créer.
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Sur le plan de la forme, je souhaite ce spectacle là aussi le plus proche et représentatif de mon parcours et de la liberté de ton qui me caractérise. Je voudrais donner à voir de la transversalité et des multiples influences qui font la danseuse et performeuse que je suis, laisser s’exprimer les vestiges de ma rencontre de la danse par le Hip Hop, utiliser le vocabulaire de la danse contemporaine dans ses matières et états de corps, et jouer avec les codes du cabaret, ceci jusqu’au ton et au format du spectacle, que j’imagine sécable, joueur, forcément politique, tout en étant léger. Son et musique auront une place de choix. Là, à côté du corps, on trouvera la voix, le chant, les mots, et le travail en soutien du créateur sonore.
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« Zouave » veut danser les chutes, les fuites, la résilience, sortir du geste efficace, codifié, voire usé. Il sera question d’éprouver d’autres dimensions, de comprendre les mécanismes traumatiques pour créer de nouvelles perspectives. Accueillir les chutes comme des cadeaux, des énigmes précieuses à nos aventures, goûter à la gravité et explorer comment se relever.
ÉQUIPE ARTISTIQUE
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Concept & interprétation : Agathe Thevenot
Créatrice son : Naomie Klaus
Assistanat : Cassandre Munoz
Regard complice : Caroline Cornelis
Lumière : en cours
SOUTIENS EFFECTIFS​
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BAMP (Brussels Art Melting Pot)
Cie Nyash - Caroline Cornelis
Studio SEN